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LES HOMMES


Les Imâns de la Mekke, immobiles et graves,
Sont là, l’écharpe verte enroulée au front ras,
Et les chefs des tribus chasseresses d’esclaves
Dont le soleil d’Égypte a corrodé les bras.

Au fond, vêtus d’acier, debout contre les portes,
De noirs Éthiopiens semblent, silencieux,
Des spectres de guerriers dont les âmes sont mortes,
Sauf qu’un éclair rapide illumine leurs yeux.


N’est-il pas vrai, malgré un air de parenté indéniable entre ces trois formes de la civilisation orientale, qu’on se sent à chaque fois transporté dans un monde nouveau, et que par l’abondance, et la précision, et l’originalité des détails, chacun de ces tableaux exclut l’impression qu’il ait été fait de chic.

La recherche de l’exactitude a ses avantages, même pour un poète elle a aussi ses inconvénients. Il arrive notamment qu’elle se fasse trop sentir. L’auteur, plein de son sujet, la mémoire obsédée de tous les traits pittoresques, suggestifs, curieux, qu’il a notés dans ses livres, ne peut se résoudre aux sacrifices nécessaires et ne vous fait grâce d’aucun. De là parfois une surcharge dont le lecteur est accablé. C’est surtout quand il rapporte les traditions des peuplades primitives que Leconte de Lisle, cédant à l’attrait puissant qu’exerce sur lui le mystère des origines, se laisse facilement entraîner. Voyez dans Khirôn toute l’histoire, d’ailleurs contestable, des invasions doriennes dans la Grèce pélasgique. Voyez dans Le Massacre de Mona le récit des migrations des Kymris. Voyez, dans La Légende des Nornes, les contes sans fin que font les-trois vieilles assises sur les racines du frêne Yggdrasill. Ou bien encore, c’est quand il énumère les horreurs, les calamités, les violences et les turpitudes des plus sombres époques du Moyen Âge que sa verve ne sait plus borner son cours. Quelles que soient la beauté des vers et la vigueur des peintures, il faut s’y reprendre à plusieurs fois pour achever des morceaux, comme Le Corbeau, Hiéronymus ou Les Paraboles de Dom Guy, et on en vient à souhaiter, tandis que roulent d’un flot égal, avec un fracas uniforme, ces tirades interminables, que l’auteur fût plus concis, ou qu’il fût moins savant.

L’abus de l’érudition ne produit pas seulement la lassitude ; il