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LECONTE DE LISLE

lectures, déposés dans sa mémoire, amalgamant Turquie, Arabie, Perse, voire même Grèce et Espagne, dans la peinture d’un Orient imaginaire. Les tableaux que l’on rencontre chez Leconte de Lisle de l’Inde, de la Perse, de l’Arabie, se distinguent au premier coup d’oeil par des traits particuliers et une physionomie originale. Lisez seulement dix vers de Çunacépa :


Sous la varangue basse, auprès de son figuier,
Le Richi vénérable achève de prier.
Sur ses bras d’ambre jaune il abaisse sa manche,
Noue autour de ses reins la mousseline blanche,
Et croisant ses deux pieds sous sa cuisse, l’œil clos,
Immobile et muet, il médite en repos.
Sa femme à pas légers vient poser sur sa natte
Le riz, le lait caillé, la banane et la datte
Puis elle se retire et va manger à part.


Lisez maintenant une strophe ou deux de La Vérandah :


Sous les treillis d’argent de la vérandah close,
Dans l’air tiède embaumé de l’odeur des jasmins,
Où la splendeur du jour darde une flèche rose,
La Persane royale, immobile, repose,
Derrière son col brun croisant ses belles mains,
Dans l’air tiède, embaumé de l’odeur des jasmins
Sous les treillis d’argent de la vérandah close.

Jusqu’aux lèvres que l’ambre arrondi baise encor,
Du cristal d’où s’échappe une vapeur subtile
Qui monte en tourbillons légers et prend l’essor,
Sur les coussins de soie écarlate, aux fleurs d’or,
La branche du hûka rôde comme un reptile
Du cristal d’où s’échappe une vapeur subtile
Jusqu’aux lèvres que l’ambre arrondi baise encor.


Et lisez enfin ces quatre stances, prises dans l’Apothéose de Mouça-Al-Kébyr :

 
Voici. Le Dyouân s’ouvre. De place en place
Chaque verset du livre, aux parois incrusté,
En lettres de cristal et d’argent s’entrelace
Du sol jusqu’à la voûte et sans fin répété.

Sous le manteau de laine et la cotte de mailles
Et le cimier d’où sort le fer d’épieu carré,
Les Émyrs d’Orient dressent leurs hautes tailles
Autour de Soulymân, l’Ommyade sacré.