aussi formidable, il fallait qu’il se fût assimilé tout d’abord l’histoire, la religion, la philosophie de chacune des races et des civilisations disparues ; qu’il se fît tour à tour, par un miracle d’intuition, une sorte de contemporain de chaque époque et qu’il y revécût exclusivement, au lieu d’y choisir des thèmes propres au développement des idées et des aspirations du temps où il vit en réalité.
Comme il arrive souvent, en indiquant en quoi Victor Hugo, à
son sens, avait manqué, il a, du même coup, précisé à quoi, lui,
il aurait voulu réussir si bien que la tâche du critique peut se
borner à l’examen des trois points sur lesquels il a lui-même
attiré son attention.
Il faut, nous dit Leconte de Lisle, que le poète se soit « assimilé tout d’abord l’histoire, la religion, la philosophie de chacune des races et des civilisations disparues ». Cette épopée de l’humanité, elle est, avant tout et dans sa substance, une œuvre de savoir. Convenons, sans nous faire prier, que le savoir ne lui a pas manqué. M. Vianey s’est donné la peine de rechercher les sources auxquelles il a puisé pour écrire un certain nombre de ses poèmes, ceux justement qui sont de caractère historique ou légendaire[1]. Il résulte de cette très précieuse enquête — encore que, malgré toute la diligence qu’y a mise l’auteur, elle demeure incomplète — que, pour ce faire, Leconte de Lisle a, sinon dépouillé, tout au moins parcouru, et parfois lu de très près toute une bibliothèque. Il ne s’est pas contenté, comme le plus souvent Victor Hugo, des encyclopédies, dictionnaires et autres ouvrages de vulgarisation, dont l’usage est rapide et facile. Il a recouru aux travaux de première main, il est remonté aux textes ; et ces travaux, comme ces textes, s’offraient à lui sous la forme de gros livres dont il était impossible, sans un véritable labeur, de s’assimiler le contenu, ou même d’en extraire les parcelles de poésie qu’il pouvait recéler. Pour son poème de Baghavat, il a mis à contri-
- ↑ Les sources de Leconte de Lisle, Montpellier, 1907.