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INTRODUCTION
IV

Quelles qu’aient été en effet les formes sociales d’un peuple, quelle qu’ait pu être la civilisation d’une époque, les monuments que lèguent à la postérité les sociétés disparues se ramènent immuablement à deux groupes, également distincts dans leur nature et dans leur mise en œuvre par l’historien. De ces monuments, les uns étaient dès le principe destinés à transmettre aux âges futurs la mémoire des temps et des peuples qui les ont suscités ; ce sont les sources narratives auxquelles il convient de joindre la plupart des sources épigraphiques[1] Les autres étaient destinés aux seuls contemporains ; ce sont les sources d’un caractère proprement diplomatique et aussi certains documents artistiques ou littéraires.

Il semble à première vue naturel à l’historien d’utiliser d’abord les premiers : inscriptions, annales, chroniques, histoires, mémoires. Mais il apprend bien vite à considérer tout récit comme suspect : tout homme qui raconte des événements étrangers à lui peut se tromper ; tout homme qui raconte des faits personnels peut nous tromper. — Au contraire, les documents du second groupe ont plus de chance » d’être exacts : les contrats entre individus ou communautés tirent une garantie de sincérité du conflit des intérêts en présence ; les œuvres d’imagination ne sont parvenues jusqu’à nous qu’autant qu’elles ont correspondu un instant à un état mental du milieu où elles sont nées. L’historien de toutes les époques aura donc la même tâche à remplir, ayant toujours à utiliser des documents de

  1. Quelques inscriptions antiques sont des textes de lois ou des traités. Ce sont des exceptions. Presque toutes les autres, y compris même les inscriptions votives, ont un caractère narratif.