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le bien de la société sans porter atteinte au principe établi plus haut[1]. Et l’on peut dès maintenant donner cette définition : l’État s’ingère à tort dans les affaires privées des citoyens, toutes les fois qu’elles n’ont pas un rapport immédiat avec une atteinte portée au droit de l’un par les autres. Toutefois, pour épuiser entièrement la question proposée, il est nécessaire de passer en revue les divers aspects de l’influence ordinaire ou possible de l’État.

Son but peut être double. Il recherche le bonheur, ou bien il se borne à empêcher le mal : et, dans ce dernier cas, à empêcher le mal venant de la nature ou le mal causé par les hommes. S’il ne s’attaque qu’au second de ces maux, c’est la sûreté seule qu’il cherche ; et c’est cette sûreté que j’opposerai à tous les autres buts possibles compris sous le nom de bien positif. La différence des moyens employés par l’État donne à son action une étendue diverse. En effet, ou bien il cherche à réaliser immédiatement son vœu, soit par la contrainte, par les lois prohibitives et impératives, par les peines ; ou bien, de quelque manière que ce soit, il donne à la situation des citoyens la forme favorable à la réalisation de ses vues, et les empêche d’agir dans un autre sens ; ou enfin il tend à mettre leurs inclinations en harmonie avec sa volonté, à agir sur leurs pensées et sur leurs sentiments. Dans le premier cas il

  1. À savoir, que le vrai but de l’homme est le développement le plus large et le mieux proportionné de ses forces dans leur ensemble, et que la liberté et la variété des situations sont indispensables pour atteindre ce but. (Relire les premières lignes du chapitre précédent.)