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y avait de grossier a disparu ; ce qu’il y avait de délicat est resté. Sans doute cela serait heureux si le genre humain était un homme, ou si la force d’une époque, de même que ses livres et ses découvertes, passait aux âges suivants. Mais il n’en est pas ainsi. Il est vrai que notre civilisation a aussi son genre de force ; et c’est peut-être par la mesure de sa délicatesse qu’elle surpasse la force de l’antiquité ; mais reste à savoir si tout ne doit pas commencer par une civilisation primitive, fille de la barbarie. Partout la sensibilité est le premier germe et la plus vive expression de toute idée. Ce n’est pas ici le lieu, ne fût-ce que de tenter cette recherche. De ce qui précède, il résulte que nous devons veiller sur notre force, sur notre originalité, et sur tous les moyens de les entretenir.

Je considère donc comme acquis que la vraie raison ne peut désirer pour l’homme d’autre état que celui où non-seulement il jouit de la plus entière liberté de développer en lui-même et autour de lui sa personnalité propre ; mais encore où la nature ne reçoit des mains de l’homme d’autre forme que celle que lui donne librement chaque individu, dans la mesure de ses besoins et de ses penchants bornée seulement par les limites de sa force et de son droit. À mon sens, la raison doit maintenir ce principe dans son intégrité, sauf ce qui concerne la conservation de l’homme. Cela doit toujours servir de base dans toute étude politique, et spécialement pour la solution de notre question.