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et pressantes. Car d’abord la pression des faits extérieurs sur l’homme est moins considérable parce que l’homme est muni de plus d’instruments pour y obvier ; ensuite, il n’est plus guère possible de leur résister avec les seules forces que la nature a données à chacun et que chacun n’a qu’à employer. Enfin la science plus perfectionnée rend l’invention moins nécessaire, et l’enseignement qu’on reçoit vient encore émousser la faculté que nous avons d’apprendre[1]. Mais il est incontestable que quand la variété physique s’amoindrit, une variété morale et intellectuelle plus riche et plus consolante vient prendre sa place ; des nuances, des différences frappent notre esprit plus raffiné ; elles pénètrent notre caractère moins fortement accusé, mais plus délicatement cultivé, et influent sur la vie pratique. Si ces nuances eussent existé, sans doute l’Antiquité, ou du moins les penseurs de ce temps ne les eussent pas laissées passer inaperçues. Il en a été du genre humain tout entier comme de l’individu. Ce qu’il

    tions. Il y a cent fois plus de liaisons maintenant entre l’Europe et l’Asie qu’il n’y en avait jadis entre la Gaule et l’Espagne : l’Europe seule était plus éparse que la terre entière ne l’est aujourd’hui..... « Voilà pourquoi les antiques distinctions des races, les qualités de l’air et du terroir marquaient plus fortement de peuple à peuple les tempéraments, les figures, les mœurs, les caractères, que tout cela ne peut se marquer de nos jours, où l'inconstance européenne ne laisse à nulle cause naturelle le temps de faire ses impressions, et où les forêts abattues, les marais desséchés, la terre plus uniformément, quoique plus mal cultivée, ne laissent plus, même au physique, la même différence de peuple à peuple et de pays à pays. » xxxx(Émile, lib. V, Des Voyages.)

  1. Voyez plus loin (chapitre V) une application de ceci faite à l’art militaire.