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quelles sont les limites qu’elle doit poser à son action ? Définir les parts différentes qui reviennent à la nation ou à quelques-uns de ses membres dans le gouvernement ; distinguer les diverses branches de l’administration ; proposer des moyens pour qu’une partie des membres ne violent pas à leur profit les droits de l’autre partie : voilà ce qui a exclusivement occupé presque tous ceux qui ont, ou proposé des plans de réformes politiques, ou même réformé des États. Il me semble cependant que dans tout travail nouveau d’organisation sociale, on doit avoir sans cesse devant les yeux deux objets ; et si l’on oublie l’un des deux, on s’expose à coup sûr à de graves inconvénients : il faut définir d’abord les deux parties, gouvernante et gouvernée, de la nation, puis la part qui revient à chacune d’elles dans la constitution du gouvernement ; il faut ensuite déterminer les objets sur lesquels l’État, une fois constitué, pourra ou ne pourra pas exercer son action. Ce dernier point qui touche particulièrement à la vie privée des citoyens, qui donne la mesure de leur liberté et de l’indépendance de leur action, est en réalité le vrai, le principal but à se proposer ; l’autre n’est qu’un moyen nécessaire pour arriver à celui-ci[1]. Toutefois, quand l’homme poursuit avec une attention plus tendue ce premier but, il manifeste son activité dans sa marche ordinaire. Tendre à un but, y parvenir en dépensant beaucoup de force physique et morale,

  1. Cette proposition a été soutenue avec éclat et énergie par M. Bertauld (voy. Philosophie politique de l’histoire de France, chap. XVI).