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était, la plupart du temps, la seule justification qu’on exigeait ; pour rédiger un contrat de vente. Cette pratique déplorable fut — chose grave — consacrée dans des contrats authentiques par des officiers publics, dont le devoir strict était, pourtant, de rejeter ces actes informes, sans force probante. Grâce à cette facilité, la fraude put se donner libre carrière et l’on vit des individus, sans autre titre que leur propre déclaration, céder des terrains sur lesquels, de notoriété publique, ils n’avaient exercé aucun droit de propriété, ni même de possession. Quant à l’identité des terrains, leurs limites et leur contenance, on se montrait encore moins, exigeant et l’on se contentait, en général, de dire que le terrain était situé dans telle partie de la ville et qu’il était borné par des propriétés particulières.

L’autorité locale avait eu le grand tort d’assister en spectatrice indifférente à ces transactions irrégulières. Quand elle se décida à ouvrir les yeux, le sol tout entier de Dakar était aux mains de particuliers qui opposaient aux revendications dont ils étaient l’objet, leurs titres et leur bonne foi.

L’État voulant construire des établissements militaires, vit surgir, partout où il faisait donner un coup de pioche, un huissier qui venait lui signifier que le terrain était la propriété d’un habitant et que celui-ci s’opposait à la continuation des travaux et l’on vit des colons qui avaient assisté, sans protestation, à la prise de possession par l’État, de certains terrains incultes, crier à la spoliation et s’en proclamer propriétaires, du jour où ces terrains avaient acquis, par le fait de l’État, une certaine valeur.

En présence des procès dont l’État était menacé, on reconnut la nécessité de fixer les droits respectifs du domaine et des particuliers sur les terrains de Dakar. À cet effet, l’arrêté de 1889 nomma une commission chargée de procéder à une enquête sur la situation immobilière de Dakar. En même temps, pour arrêter les spéculations qui auraient pu compromettre l’œuvre de la commission, il fut décidé que, jusqu’au jour où la question de la propriété serait réglée par un décret,