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nous l’avons dit, pendant la révolution son amour pour le Muséum d’histoire naturelle, dont il était pour ainsi dire le père, qu’allant tous les jours à l’assemblée nationale, il s’était logé rue du Jardin du Roy, près le Marché aux Chevaux. En 1834, il retourna dans cette rue pour retrouver son ancien domicile et revoir des murs qui lui étaient chers à force de souvenirs. La mémoire de l’exilé était fraîche ; mais les lieux avaient vieilli ; la figure des maisons avait été plusieurs fois renouvelée. Un puits au fond d’une cour fixa les idées de Lakanal et lui fit reconnaître son ancienne demeure. Tout le reste était changé. Un homme résidait depuis trente ans dans la maison ; il devait avoir connu les plus anciens locataires ; on l’appela. Les deux vieillards comparèrent leurs souvenirs : mais la sortie de Lakanal avait précédé de huit ou neuf ans l’entrée de cet inconnu. Il fallut donc s’éloigner des lieux où il avait passé les plus mémorables années de sa vie, sans qu’une voix répondit à la sienne. Les hommes se déplacent ou meurent, les pierres oublient. Malheur à qui revoit après trente années d’exil la femme qu’il aima ou la maison qu’il a habitée ! La vigne qui entourait la bouche du vieux puits avait été abattue ; le lierre était tombé avec les anciens murs du jardin ; tout avait changé comme la destinée de l’exilé lui-même, qui recouvrait, à plus de quatre-vingts ans, ses honneurs académiques et une patrie.

La plus grande joie qu’il éprouva, fut de retrouver, après dix-neuf ans d’absence, le Muséum d’histoire naturelle dans l’état de grandeur et de prospé-