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ractère si ferme, ce sage aux pieds duquel un monde s’était brisé, sans émouvoir sa volonté inébranlable, se consolait dans la retraite de l’inconstance des événemens. Grand comme la nature, il avait conservé une âme calme au milieu des révolutions. Il revint sans peine à la vie obscure et agricole ; comme ces forêts vierges du Nouveau-Monde qui, après l’orage, reprennent leur sérénité grave, il se délivre des dernières agitations de la vie politique. Nous devons dire à l’honneur de la science que seule, pendant l’exil de cet honorable citoyen, elle lui donna des marques de souvenir : les professeurs du Jardin des Plantes lui adressèrent au Tombeckbée la Description du Muséum d’histoire naturelle, en deux volumes, avec cette dédicace en tête de l’ouvrage : « A M. Lakanal, pour le remercier du décret du 10 juin 1793. Offert par les soussignés : Vauquein, Thouin, Desfontaines, Geoffroy Saint-Hilaire, Latreille, Cuvier, Laugier, Cordier, Jussieu, Lamarck, Brongniart, Lacépède. » L’exilé se montra fort sensible à cet envoi ; la mémoire du bien qu’il avait fait n’était donc pas entièrement effacée dans son pays !

Nommé président de l’université de la Louisiane, il accepta ces nouvelles fonctions, qui étaient en rapport avec ses goûts et avec les travaux d’une moitié de sa vie. Partagé entre le soin des études et celui de la nature, élevant à-la-fois de jeunes arbres dans la solitude et de jeunes intelligences dans les villes, Lakanal, tranquillement assis, dans ses heures de loisir, au bord du fleuve de la Mobile, avait désespéré de revoir jamais la France, quand, au fond de cette douce re-