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vait-on après le 18 brumaire, vous mériteront dans tous les temps des droits à l’estime des hommes. Vous pouvez compter sur le désir que j’ai de vous en donner des preuves. » Cette lettre est signée Bonaparte, premier consul. Lakanal ni accepta rien ; il était pourtant dans le besoin. Ses fonctions ne l’avaient point enrichi : l’approvisionnement des places fortes des bords du Rhin ; l’établissement d’une manufacture d’armes à Bergerac, qui avait fourni considérablement de fusils à nos armées ; le dépôt de quatre mille chevaux. dans la même ville ; la navigation du Drott ; l’établissement de dix-neuf écoles centrales dans les départemens, tout cela était une mine d’or à exploiter : il se retira les mains vides. Ce désintéressement, cette probité ombrageuse, formaient un des caractères des hommes de la révolution : « Nous pouvions dire, nous répétait-il quelquefois dans son langage sentencieux, ce que Quinte-Curce fait dire aux soldats d’Alexandre : Omnium victores, omnium inopes sumus ; vainqueur de tous les rois, nous sommes les plus pauvres des hommes ! »

Lakanal ne demanda d’appui qu’à son travail. Cet homme, qui avait rempli des fonctions si hautes et si remarquées, nous le retrouvons plus tard occupant une chaire de langues anciennes à l’École centrale de la rue Saint-Antoine, aujourd’hui le collège Charlemagne. « Ami de la retraite, racontait-il, croyant que le véritable orgueil consiste à mériter et à mépriser la gloire, je me suis assis sur la dernière marche, comme la plus stable en soi. » Cette place si humble, Lakanal la perdit en 1809. Au-desus des coups de fortune, il