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le remercier. Cette lettre, il faut le dire, fait plus d’honneur à l’esprit de l’abbé Sicard qu’à son cœur. Voici le sens de ce billet vraiment comique dans la circonstance : « Aussi, qui aurait pu croire, il y a deux mois, que ce Couthon fût un aussi grand scélérat ! »

Cependant la révolution déclinait. Lakanal siégea au conseil des Cinq-Cents ; nommé plus tard au corps législatif, il refusa cet honneur jusqu’à deux fois. Voici ses motifs : « Lorsque les armées ennemies, dit-il, étaient aux portes de la capitale, j’ai accepté les fonctions périlleuses de représentant du peuple ; aujourd’hui que les Alpes, les Pyrénées s’aplanissent sous la marche triomphale des armées françaises, je me retire à l’écart avec mes livres et quelques amis, le seul bien dont mon cœur soit avide. Le bon citoyen accourt quand la patrie est en danger ; il rentre dans la foule quand le danger est passé. » Lakanal vit tomber la république avec douleur, mais avec calme.

C’était un de ces hommes au cœur stoïque ; les ruines pouvaient le frapper sans intimider sa grande âme. Il s’enveloppa dans sa conviction comme dans un manteau. Sa conscience était forte ; sa vie était irréprochable. Envoyé en mission dans les départemens avec des pouvoirs illimités en l’an ii, c’est-à-dire à l’époque la plus violente de la révolution, il n’avait marqué son passage que par des actes utiles au pays. On l’avait entendu se vanter, dans un temps où il y avait du courage à le faire, de n’avoir jamais ordonné d’arrestation. Il avait forcé au respect celui-là même qui allait donner sa loi au monde : « Les services importans que vous avez rendus, lui écri-