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son existence de trois années, que n’avait fait la monarchie durant trois siècles. Il était cependant à craindre qu’au milieu de ce cataclysme qui bouleversait la société tout entière, les arts, les sciences, les lettres, toutes choses délicates et précieuses, ne vinssent à sombrer. Les sciences s’égaient réfugiées dans les académies comme dans une arche : mais cette arche elle-même avait besoin d’une main qui la soutînt au-dessus de l’abîme. Cette main se leva au milieu de la tempête. Tandis que les chefs de la Convention luttaient entre eux comme les ombres d’Ossian dans un ciel plein de nuages et de tonnerres, au sein de cette assemblée mémorable qui étonne et qui fait peur, il s’était rencontré un homme qui, traçant devant lui une route particulière au milieu des écueils, se donna la mission difficile de sauver, durant la révolution, ceux qui honorent l’esprit humain par leurs travaux. Cet homme était Joseph Lakanal.

Depuis quelques années, les nobles attachés à l’ancien régime désertaient le sol de leur patrie : une autre émigration plus dangereuse, en ce qu’elle eût appauvri la France des lumières morales, qui sont la véritable richesse et la force d’un peuple libre, menaçait la révolution naissante. Ce péril Lakanal résolut de le conjurer. Il s’était dit que les arts et les sciences avaient besoin de la liberté, et que sans eux la liberté ne ferait que passer sur la terre. Attaché du fond de l’âme à la révolution, il lui cherchait un point d’appui dans le concours des intelligences d’élite : c’était à ses yeux la seule base solide du renouvellement politique. Croyant l’éducation nécessaire au peuple pour exer-