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s’opérera la diffusion des lumières, — la face intellectuelle de notre continent sera changée. La vapeur nous semble donc destinée à devenir le lien des distances, le lien des races.

Quand la guerre était presque le seul moyen dont la Providence se servit pour mettre les races en présence, l’union d’un peuple à un autre peuple n’était jamais cimentée que par la force. Or, nous ne craignons pas de le dire, la force brutale est impuissante à fondre ensemble les divers élémens du genre humain. Long-temps après la conquête, les vainqueurs et les vaincus forment encore dans la nation deux camps distincts : les inimitiés secrètes refoulées dans le cœur du peuple soumis, la honte et le ressentiment de sa défaite, demeurent un obstacle de longue durée à l’alliance avec les envahisseurs. Il se passe souvent plusieurs siècles avant que la trace de cette division soit effacée ; quelquefois même elle persiste toujours si le peuple conquis nourrit secrètement l’espoir de ressaisir son indépendance. Cela est si vrai que, malgré les guerres qui ont ensanglanté l’Europe au moyen âge et à une époque plus récente, malgré ces déchiremens et ces partages qui ont renouvelé plusieurs fois la face politique de notre continent, il se trouve que les races ont perdu très peu de leurs caractères. Transportées souvent du nord au midi ou du midi au nord, elles reviennent d’elles mêmes à leurs limites dès que le bras de fer qui les mêlait arrive à se retirer. On peut donc dire que la guerre était le lien des âges de barbarie, mais que ce lien établissait entre les peuples des rapports violens