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ses yeux, mieux qu’avec un télescope, les détails les plus éloignés de la grande ville étendue à ses pieds. À cette rare intensité de lumière visuelle se rapporte sans aucun doute, l’art quelquefois minutieux avec lequel il décrit d’une manière vive et frappante, les objets extérieurs, sans faire grâce des moindres détails. Un tel regard illimité, joint à une faculté primitive du cerveau, très forte, pour saisir les tableaux de la nature, explique surtout le style éclatant, sculptural et pittoresque de l’auteur des Orientales. Cette faculté dominante a imprimé son caractère à toutes les autres ; dans l’ode, dans le roman et sur la scène, M. Victor Hugo est toujours demeuré le poëte de la forme par excellence. Dans ses drames et dans ses livres, M. Victor Hugo fait en outre sur une grande échelle un usage très fréquent d’un procédé de style que les anciennes rhétoriques nomment accumulation. Il enrôle au service de ses intentions une masse d’idées et de mots : anciens, nouveaux, nobles, vulgaires, graves, comiques, il les prend tous, il les concentre tous sur un point culminant de son œuvre. Ceci fait, il s’avance en belliqueux contre le spectateur dérouté ; après une première attaque, il en tente une seconde, puis une troisième, et revient encore à la charge avec toutes ses forces, comme dans la fameuse scène de Lucrèce Borgia, jusqu’à ce que le spectateur écrasé, soumis et irrité à-la fois, se rende malgré lui aux applaudissemens. C’est dans la fermeté, dont le siège est très prononcé sur la tête de M. Victor Hugo, que Gall aurait placé cette puissance morale qui rassemble à un moment