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qu’il soit, n’a puissance sur une idée. Toute découverte a ses destins en elle-même, selon la part d’erreur ou de vérité qui lui a été faite. La sourde persécution de l’empereur contre le système de Gall s’est arrêtée à l’homme. Elle a fait souffrir un modeste chercheur de vérités, un rêveur, si l’on veut ; un de ces docteurs inquiets dont l’esprit étouffe dans les anciennes limites de la science et fait tout au monde pour les reculer. Nous ne voyons pas là un si beau sujet de se montrer fier ; surtout quand on est soi-même un grand homme et qu’on a eu la couronne du monde sur la tête.

Le caractère de Gall est comme sa vie tout entière dans la science qu’il a fondée. Son système de l’influence de l’organisation sur nos qualités et nos défauts l’avait amené à une grande tolérance morale ; comme il s’était beaucoup approché par état des infirmités de l’âme et du corps, il en avait gardé au fond du cœur une certaine mélancolie compatissante pour les maux de l’humanité. Gall avait passé une grande moitié de sa vie, dans les prisons et dans les bagnes, à interroger les mystères affligeans de notre nature, Il avait confessé, en prêtre de la science, plusieurs condamnés à mort. Il avait touché le crâne et sondé la conscience de tous les criminels fameux. Il n’y avait guère de plaie morale dans laquelle ce médecin n’eût mis le doigt, de voile intime qu’il n’eût déchiré. L’abîme du cœur humain n’avait plus pour ce savant ni ténèbres ni épouvante. Il lui était arrivé plus d’une fois, en visitant les prisonniers, de s’attendrir sur le sort de ces natures fatales, de ces demi-hommes qui