Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

même à la destinée, mais il voulait avoir le monopole de son étoile. La limite tracée par le savant aux manifestations de l’intelligence humaine irritait le génie de Napoléon, et il y avait de l’orgueil révolté dans le fait de sa résistance. Les réformes que Gall laissait entrevoir pour l’avenir au bout de sa doctrine déplaisaient à l’empereur ; il entendait que le monde se réformât sur le modèle de ses idées et à la pointe de son glaive. Cet homme, qui avait mis la nation dans un camp et la politique dans la guerre, n’aimait pas les utopistes ni les novateurs. Il l’a bien montré envers madame de Staël et envers Benjamin Constant. Napoléon ne voyait guère de meilleur œil un système qui fixait à chaque individu une sphère d’activité particulière, circonscrite d’avance par la nature. Ce conquérant aimait les poètes, les philosophes et les savans, mais pour en faire des soldats. Lui, ce magnifique argument en faveur du système de Gall ; cet homme né grand, auquel il avait été donné de réaliser au-dehors la royauté qui était pour ainsi dire dans ses organes, Napoléon niait justement la prédestination chez les autres. On ne saurait du moins trop s’étonner de la prodigieuse activité de ce belliqueux qui, à travers ses batailles contre tous les peuples du Nord et du Midi, trouvait encore le temps de faire ténébreusement la guerre à un pauvre savant, démonstrateur de crânes. Cette haine de Gall et de son système tint aussi long-temps que l’empire. Elle suivit même l’empereur à Sainte-Hélène. « J’ai beaucoup contribué à perdre Gall, » s’écriait le détrôné dans son exil. Napoléon se vantait : aucun homme, si grand