Page:Esquiros - Paris ou les sciences, tome 1.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

son voile complaisant, le docteur prononça sans crainte que la place d’une pareille tête était dans l’établissement qu’il venait de visiter. On se récria beaucoup contre ce jugement extraordinaire. Deux ans plus tard, le hasard fit découvrir dans cette jeune fille riche et charmante un affreux penchant au vol, que ni la sévérité de son père, ni la honte attachée à ce vice dégradant, ni un séjour réitéré de plusieurs mois dans une maison de santé, convertie pour elle en maison de correction, ne purent jamais dompter entièrement. Gall, dans ses voyages, emportait avec lui comme un trophée de la science les débris en plâtre de ce crâne révélateur[1].

Le docteur passait à Torgau avec quelques disciples. Un aveugle se rencontra sur la route. Le maître s’arrêta, et communiqua tout bas à ceux qui l’accompagnaient son jugement sur cet inconnu. Contre l’ordinaire, un sourire d’incrédulité gagna toute la bande. Gall prétendait avoir découvert dans cet aveugle l’organe de la mémoire des lieux, le sentiment de l’espace et du mirage, qui font les grands voyageurs. Un aveugle paysagiste ! On refusait de croire que la nature pût jamais se permettre une telle ironie. Gall, pour toute réponse, pria ses disciples d’être attentifs à la conversation qu’il allait avoir avec cet homme. — Aveugle, quels sont tes

  1. Ce fait nous a été raconté, comme la plupart de ceux que nous citons, par des témoins graves. Il est inutile de dire qu’en rapportant ici le pour et le contre, nous n’entendons nullement engager notre croyance à la doctrine de Gall. Des faits même confirmatifs ne prouvent rien en faveur d’une doctrine, tant que le raisonnement n’a pas décidé.