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mots : « Il est tard et la nuit pourrait n’être pas loin, te reverrai-je encore ? » — Le vieillard demeurait toujours à Tiefenbrunn, petit village du grand-duché de Bade. Il ne fallait rien moins que cette voix pour arracher notre savant à ses chers travaux, à la phrénologie, cette fille bien aimée de son intelligence. Cependant il y avait vingt-cinq ans que Gall n’avait vu son père, ses montagnes, le vieux toit où il était né : le cœur de l’enfant prodigue avait besoin de respirer ce bon air de la famille et du village qui vaut encore mieux que l’air de la science. Le docteur se décida à partir ; mais, économe du temps qui lui était mesuré à l’aune étroite de la vie, il voulut tourner ce déplacement au profit des conquêtes de son idée. Gall emporta donc avec lui sa collection de crânes et de têtes moulées en plâtre, afin de les présenter comme des preuves sensibles à l’examen de ses auditeurs. Spurzheim le suivit. Ce voyage commença, pour nos deux jeunes missionnaires, une vie aventureuse et nomade qui ne s’arrêta guère qu’à l’extrême vieillesse.

Leur excursion à travers l’Allemagne souleva de toute part une immense curiosité. Les rois, les savans, les artistes, accouraient au-devant des deux révélateurs ; les gens du monde ne voyaient et ne voient encore dans la phrénologie qu’une manière de dire la bonne aventure par les bosses de la tête. Ils ignorent que, dans les idées de Gall, le toucher du crâne n’était qu’un accessoire de sa doctrine ; mais l’intérêt qui s’attache à la pénétration de l’inconnu est celui qui détermine toujours le plus d’entraînement. Mesmer, Cagliostro, Lavater, avaient mis tout dernièrement,