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vice avec une obéissance admirable. On lui dit de tourner, et il tourne à droite ou à gauche ; il sait dégager de l’ornière, par un effort industrieux, la roue embourbée qui résiste, ou retenir le char emporté sur une pente glissante. Cette éducation n’a pas été l’affaire d’un jour. Des générations successives se sont transmis depuis des temps fort anciens la tâche de dompter le cheval sauvage. Ajoutant ainsi leurs travaux les unes à la suite des autres, elles ont formé une vaste chaîne de progrès, qui asservit si bien ce fier animal à nos instrumens de traction. Il est sans doute impossible dé méconnaître ici la puissance de l’homme, cet être à part qui fait sortir du sein même de la nature des forces et des manifestations nouvelles. Notre volonté a eu, comme celle de Dieu, son fiat lux ; elle a tiré du monde primitif un monde plus conforme à nos besoins. Cela fait, elle s’est reposée.

Il y a plus : non-seulement l’homme n’a développé chez le cheval et chez les autres animaux auxiliaires que deux ou trois instincts en rapport direct avec la nature de ses besoins ; mais, chose horrible à dire ! il a comprimé, détruit, mutilé chez ces pauvres êtres toutes les autres facultés dont il n’attendait pas de services. Goëthe, ce vaste génie, qui mêlait sans cesse la poésie avec la science, ne se montrait pas indifférent à cette question du progrès chez les animaux. Ayant rencontré un soir, au bord d’un champ de seigle, un cheval monté par un paysan en blouse, notre poëte rêveur vit l’animal curieux et pensif s’arrêter pour suivre de l’œil un enfant qui cueillait avec sa mère des coquelicots et des bluets le long de la