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encore mieux l’héroïsme sanguinaire que la douceur vile.

Passons : voici le lion qui se précipite la tête basse ; les habitudes de ce roi du désert ne se démentent jamais ; il est resté grand dans la captivité. On le voit dévorer bravement et superbement le quartier de viande qu’il tient fixé à terre sous sa puissante griffe. Le lion se laisse gagner aux avances de l’homme ; mais ce n’est point à l’heure du repas qu’il faut parler d’éducation : tous les animaux féroces sont dangereux quand ils mangent. La présence de la chair et l’odeur du sang réveillent les instincts destructeurs de leur farouche nature. Tout étranger, le gardien même, est dans ce moment-là un ennemi qui veut leur arracher leur proie : malheur à lui s’il approche ! — Pourquoi cette lionne ne dépèce-t-elle point la grande mâchoire de vache qui est jetée dans sa loge ? Cette lionne est une vieille prisonnière dont le séjour à la ménagerie n’a jamais pu adoucir le caractère intraitable. Il est à remarquer que cet animal (le seul de tous) garde sa ration pour la manger pendant la nuit. Y a-t-il une liaison secrète entre la férocité et l’amour des ténèbres ? À côté nous avons vu une jeune lionne fort douce qui était arrivée depuis quelques heures à la ménagerie. Son front, usé pendant le voyage au frottement des barreaux, portait dans la région sourcilière des traces pénibles et comme la marque récente de l’esclavage. Cet animal nous toucha. Nous lui trouvâmes l’air mélancolique et consterné des nouveaux détenus à leur entrée dans la prison. C’était triste à voir comme cette lionne pleu-