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çà et là dans le passage de l’ancien monde au nouveau.

Cependant la forme sous laquelle les premiers mammifères se sont manifestés en abondance à la surface du globe est surtout celle des cétacés. Voyez-vous ces antiques mers, baignant déjà d’assez vastes continents mis à sec, présenter, au lieu de leur ancienne population d’animaux à sang froid, de nouveaux habitans inconnus ? Des dauphins et des morses, plus ou moins éloignés de nos espèces modernes, sortent de l’abîme des événemens qui avaient détruit les premiers gros reptiles. Ces hôtes marins s’approchaient souvent du rivage pour y chercher leur nourriture. Sur cette belle eau, qu’aucune barque, aucun navire n’avait encore déflorée, le long des côtes ornées d’une végétation perpétuelle, à l’embouchure surtout des grands fleuves qui se déchargent dans la mer, j’aime à me représenter le lamantin qui vient paître l’herbe sur le bord comme un ruminant. À voir cet animal singulier, sa poitrine enflée de mamelles qu’il élève au-dessus de l’eau, ses nageoires offrant de loin quelque ressemblance avec nos mains, ses poils qui, à distance, font l’effet d’une chevelure, on croirait à l’existence d’un être demi-homme et demi-poisson, qui visitait dans ces temps fabuleux, comme les tritons et les syrènes des anciens, le domaine de l’Océan.

Mais passons. À mesure que la mer, cause et agent principal des révolutions de la nature, détruisait successivement ses premières espèces d’animaux et en produisait toujours de nouvelles, la terre, de son côté, donnait naissance à ces curieux pachydermes célébrés