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melles. C’était pour la création un pas immense. Toutefois, dans la formation de ces nouveaux êtres, la nature demeura constamment fidèle à ses grandes lois de succession et d’harmonie. À terre, nous voyons la belle division des ovipares et des vivipares marquée au point d’intersection des deux lignes par l’existence très ancienne d’un animal qui participe à-la-fois des deux systèmes de naissance. Le didelphe se montra dès que les premiers continents eurent été rendus habitables. Cet être douteux, ou, pour mieux dire, intermédiaire, associe deux fonctions qu’à priori les naturalistes auraient toujours cru inconciliables, l’oviparité et la lactation. Pourvu d’une vaste poche externe, située sous l’abdomen, il y dépose ses petits après une gestation utérine fort courte : ces demi-nés y restent suspendus par la bouche aux mamelles jusqu’à ce qu’ils soient capables de s’offrir à l’air extérieur. De cette manière, le didelphe naîtrait, pour ainsi dire, deux fois : une première fois, selon le système des poissons ou des oiseaux, et une seconde fois selon celui des mammifères. Ces êtres de transition, que les naturalistes considéraient jusqu’ici, dans leurs cabinets, comme des liens qui joignent un groupe d’animaux à un autre groupe, sont, dans l’ordre des dates et des faits antédiluviens, autant d’attaches naturelles qui unissent un âge à un autre âge. Il y a donc eu progrès dans la marche de la création, et nombre d’êtres qui semblent à la surface de la terre comme des phénomènes et des énigmes pour nos classificateurs ne sont que les anneaux dépareillés de cette grande chaîne d’événemens qui s’est brisée