ces débuts, pleins de tâtonnement et d’incertitude, apparaît un génie vraiment créateur. L’homme auquel la géologie philosophique est redevable de son existence ; celui qui porta le flambeau de la divination humaine sur les ruines des anciens mondes, c’est Buffon. De son temps les faits n’existaient pas dans la science ; il s’en passe. Pour le génie, prévoir c’est voir. Buffon a vu ; oui, il a vu, par-delà les erreurs de son siècle, jusque dans les découvertes modernes. Appuyé sur les monumens souterrains de notre globe, encore mal connus de son temps, il déclara que l’œuvre de la création avait eu ses époques, ses mouvemens, ses âges de formation et de croissance. Les traces empreintes à la surface ou dans l’intérieur de la terre, deviennent, sous son œil inspiré, des lettres parlantes, avec lesquelles il entreprend de reconstruire toute une histoire. Les Époques de la nature marquent l’avènement d’une genèse philosophique. Le naturaliste écrivit ce grand testament littéraire et scientifique dans un âge avancé ; mais l’œuvre de Buffon est comme celle de Dieu qu’elle se proposait de réfléchir : on n’y trouve nulle part des traces de vieillesse. Les hypothèses hardies de l’auteur émurent les colères de la Sorbonne. Buffon s’alarma : « j’espère, écrivait-il au digne abbé Leblanc, qu’il ne sera pas question de me mettre à l’index, et, en vérité, j’ai tout fait pour ne pas le mériter et pour éviter les tracasseries théologiques, que je crains beaucoup plus que les critiques des physiciens et des géomètres. » La Sorbonne rentra, en effet, sous l’hermine une griffe qui n’aurait jamais dû en sortir.
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