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un calme indicible sur ces réunions touchantes, sur ce silence de la nature et des passions, sur ce savant vénérable, tout chargé d’années glorieuses, sur ces femmes charmantes et sévères, sur deux joyeux enfans à tête blonde. Une larme embaumée montait alors silencieusement au bord des yeux ; on croyait à la famille, au repos du cœur, à l’amitié, aux mœurs dorées des premiers âges, et l’on se disait tout bas : Il fait bon ici, bonum est nos hic esse.

Geoffroy Saint-Hilaire acheva et mit au jour, postérieurement à Cuvier, plusieurs grands travaux dont nous regrettons, dans l’intérêt de la discussion, que ce dernier n’ait pas eu connaissance. La science ne pouvait que gagner à ces solennels débats, que la mort d’un des deux adversaires vint malheureusement interrompre. Geoffroy reprit dans les derniers temps, du point de vue philosophique, les recherches de Cuvier sur les ossemens fossiles et sur la marche de la nature durant les premiers âges du globe. Ce grand esprit était préoccupé, avant de mourir, de la genèse des choses ; sa pensée remontait au berceau de la création du monde au moment où le déclin de ses forces l’attirait vers la tombe.

L’étude de la nature avait dévoré cette organisation puissante. Peut-être la lutte de 1829 avait-elle aussi blessé mortellement les deux combattans ; des hommes comme Cuvier et Geoffroy ne pouvaient guère marcher l’un contre l’autre sans que le choc fût fatal à tous deux. Geoffroy avait comme le pressentiment de cette décadence prochaine : « Ce n’est pas de moi, écrivait-il dans un de ses derniers mémoires, ce n’est