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chemin ordinaire ; l’élite de la forte et courageuse jeunesse souhaitait que ce novateur eût raison, et que les vues qu’il prêtait à la nature fussent justifiées par l’expérience. Selon d’autres, à la tête desquels se plaçait son sévère contradicteur, M. Geoffroy se laissait égarer par son imagination. Ce reproche, dont le savant s’affligea peut-être à tort, était calculé sur les mœurs des anciens naturalistes, qui s’attachaient plutôt à la lettre qu’à l’esprit de la nature. De l’imagination ! Mais n’en faut-il pas pour suivre la création dans ses lois et ses caprices ? N’en faut-il donc pas pour entrer avec puissance dans les desseins de Dieu, et saisir leur trace sur la forme des êtres organisés ?

Cuvier, voulant humilier son adversaire, lui jeta enfin dédaigneusement ce titre de poète de la nature, qui, dans sa bouche et dans son intention, était la plus mortelle offense pour un naturaliste. Nous en sommes encore à nous demander si l’injure n’était pas un éloge. Il en est de même du reproche d’enthousiasme qu’on lui adressait alors ; nous croyons que M. Geoffroy s’est donné une peine inutile pour repousser ces traits de la malveillance qui tournent au contraire à son honneur. Oui, le savant qui, non content d’être l’historien des faits de la nature, a voulu en saisir les lois, et qui, entraîné par la magie des rapports de la création, a voulu renouer les anneaux de cette chaîne immense que tous nos zoologistes avaient brisée ; le savant qui, non content d’étudier dans les froides collections et sur les pièces mortes, cherchait en lui-même et dans la nature vivante les inspirations du génie ; ce savant était poète ; mais nous