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nature de cet esprit orageux, qui procédait en quelque sorte par éclairs et par surprises.

Nous touchons cependant à une lutte qui eut trop d’éclat pour être passée sous silence, et qui tient à des causes trop philosophiques pour que le récit des événemens suffise à en reproduire le caractère. Depuis long-temps, le dissentiment des deux princes de la science couvait dans l’ombre, lorsqu’une séance de l’Académie le fit éclater. À ceux qui parlaient de la doctrine des analogues, Cuvier répondait : « Je la ferai taire. » Ce fut le 12 décembre 1829 que la lecture d’un mémoire ouvrit le champ de bataille. Cependant les chances étaient inégales : Geoffroy défendait un terrain entièrement neuf, tandis que Cuvier, soutenu par ses travaux et par ceux de ses ancêtres dans la science, affermissait pour ainsi dire ses pas sur les traces de plus de trente siècles. Si nous ajoutons à ces avantages un vrai talent oratoire, une prestesse et une clarté d’esprit sans égales, une autorité sur l’académie dès long-temps acquise, nous jugerons que Cuvier avait tout ce qu’il fallait pour s’assurer la victoire. Cependant le monde qui pense resta partagé entre Cuvier et Geoffroy. Quoi qu’il en soit du succès, ce fut toujours un grand spectacle que celui de ces deux forts athlètes de la science s’avançant l’un contre l’autre et se rencontrant sur un des points les plus élevés de la philosophie naturelle. L’Allemagne, la grande Allemagne était attentive à ces débats : déjà la voix de l’Isis s’était fait entendre de l’autre côté du Rhin pour crier à Cuvier : « Reste à la politique ; tu es débordé en zoologie ! »