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 « Mêlant les ris, l’amour, l’espérance féale,
« J’enflais à mon aurore une bulle idéale ;
« Papillon, je cherchais mon lit dans une fleur ;
« Un sylphe me berçait sur son aile bénie ;
« Comme un lys en parfum, mon âme en harmonie
« S’évaporait, loin du malheur.

« Mais, fleur, j’ai vu sécher ma goutte de rosée ;
« Au souffle des humains ma bulle s’est brisée ;
« Une abeille a sucé mon calice argenté ;
« Papillon, j’ai brûlé mes ailes à la gloire ;
« Et mon sylphe a froissé sa ceinture de moire,
« Aux ronces de la pauvreté.

« Le sort n’a-t-il donc pas de plus superbe tête,
« Pour secouer dessus l’éclair et la tempête ?
« Ô pourquoi m’empêcher de finir ma chanson !
« Si je ne t’ai rien fait, si mes jeux sont sincères,
« Pourquoi, vautour cruel, poursuivre de tes serres
« Petit oiseau sous le buisson !
 
« Je demandais si peu dans ma courte veillée,
« Un peu d’azur, d’émail, d’ombre sous la feuillée !
« Dans un bouton fleuri mon printemps s’écoulait ;
« Mon vol sur l’océan n’a pas cherché l’orage,
« Mais chétive éphémère, hélas ! j’ai fait naufrage,
« Au fond d’une goutte de lait.