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duel. Il y a collectivement plus de prose dans les esprits, mais aussi il y a plus de poésie dans quelques têtes. Le poète n’est plus la nation, c’est l’homme.

D’ailleurs la poésie (et c’est par-là qu’elle est impérissable) suit l’allure et le progrès des nations. Elle commence par le cœur et finit par la pensée ; elle était naïve, elle devient profonde. Il y a trois époques dans la littérature moderne : l’enfance ; c’est l’orient avec sa littérature si vive, si fraîche, si merveilleuse, ses oiseaux bleus, ses palmiers verts, ses houris à la voix enchantée ; c’est la jeune fille de quinze ans avec ses yeux rêveurs, avec une chanson naïve sur ses lèvres roses, avec une fleur de camboja dans ses longs cheveux noirs ; c’est le printemps de la nature harmoniée avec celui du cœur ; c’est tout ce qui chante, tout ce qui rit, tout ce qui rayonne. La jeunesse, c’est l’Italie ; c’est Dante avec son front penché qui porte en lui trois mondes surnaturels ; c’est le regard profond, sombre, mystérieux d’un homme qui a vu l’enfer ; c’est une ame en travail pour enfanter l’avenir de l’Europe ; c’est l’inquiétude grave, la voix imposante, le sourire triste, la pensée de la mort et de l’éternité ; c’est l’humanité qui aborde ses destins. La virilité, c’est