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Encor ne faut-il pas, pour submerger ces têtes,
De grands débordemens ni de hautes tempêtes.
La mort suffit : de tout c’est là le sombre écueil.
Il est triste à penser qu’il n’y a pas d’exemple
De nom si colossal ni de gloire plus ample,
Qui ne tiennent dans un cercueil.

La mort est, voyez-vous, une républicaine
Qui prend au cou les rois sous leur pourpre africaine ;
En ôtant un pivot elle meut les états :
Et le noir cimetière est son hôtellerie
Où s’en viennent coucher, en sortant de la vie,
Les manans et les potentats.

Ces faits sont transparens : en laissant voir derrière
Qu’il y a quelque chose au bout de la carrière,
On rêve à l’Éternel en voyant tout finir :
Ce monde a pour qui pense une si mince écorce
Que chaque pas qu’on fait sur la vie avec force,
Nous enfonce dans l’avenir.

Plus que tout autre il faut que le grand homme meure,
Le corps est à son ame une pauvre demeure ;
Que voulez-vous qu’il fasse étreint dans ce bas lieu ?
Son front en méditant grossit et se dilate ;
Mais de l’humanité quand l’enveloppe éclate,
Il ne peut plus tenir qu’en Dieu.