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lations : s’y heurter, c’était arrêter pour jamais leur marche envahissante : les respecter, les caresser même, les réglementer par des prescriptions destinées à sauvegarder les privilèges acquis, à prévenir les empiétements d’une caste ambitieuse sur toute autre caste placée au-dessus d’elle par le législateur primitif, récompenser les services rendus par des distinctions honorifiques, telles que le droit au grand tamtam et à la canne à pomme d’or, flatter ainsi la vanité héréditaire chez les Indous, c’était, au contraire, nous faire un ami dévoué de ce peuple, qui nous donnait, à cette seule condition, sa soumission et ses richesses.

Après eux, vint pour gouverner l’Inde française, cet homme, qu’il faudrait maudire s’il n était pas si à plaindre, le malheureux Lally, aux idées étroites et préconçues, dont l’obstination fit avorter les meilleurs projets, qui apporta à Pondichéry des préjugés essentiellement contraires aux préjugés indous. Dès son arrivée, manquant de bêtes de somme pour charroyer son artillerie jusqu’au fort Saint-David, dont il allait faire le siège, il attela aux affûts et aux caissons tout ce qu’une réquisition brutale put amener d’indigènes ; des vieillards, des enfants, des gens de haute caste, des brâhmes même traînèrent les canons : c’était blesser au cœur la population native, ce fut là une grande faute, et le signal de cette désaffection qui dégénéra bien vite, grâce à une foule d’autres mesures impopulaires, en une haine acharnée.

La nouvelle administration, chargée, après la reddition de nos Établissements perdus par Lally et restitués en partie par l’ironique pitié des Anglais, de relever Pondichéry de ses ruines, revint aux sages traditions de Dupleix, en matière de politique intérieure. Notre puissance était bien réduite, nos possessions bien diminuées, mais il fallait conserver le mince territoire que nous avait laissé la jalousie ombrageuse de nos