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détruire aujourd’hui, ce serait se baigner dans une mer de sang.[1] »

Parmi les races molles, débiles et pusillanimes dont se compose la famille indoue proprement dite, c’est-à-dire appartenant purement et simplement à l’organisation brâhmanique, une seule tenta, non sans succès, de défendre, en même temps que sa foi religieuse et ses libertés civiles, le territoire de la patrie commune : les Mahrattes, grêles et chétifs en apparence, mais pleins de vivacité et d’énergie, levèrent, à la voix de leurs rois-brâhmes, le drapeau national contre l’Empire mogol d’abord, contre les Anglais ensuite. Cette glorieuse tentative n’eut pas d’imitateurs : la voix des Peichwahs ne trouva pas d’échos dans le Bengale, les Circars, le Carnatique, c’est-à-dire aux lieux où les hommes de l’Occident avaient établi leurs premières étapes. — Parmi les soixante millions d’habitants qui peuplent ces vastes contrées, le mot de nationalité n’avait plus de sens : cette multitude, dans laquelle chaque individu végétait, isolé et parqué dans sa caste, comme dans une barrière infranchissable, ne demandait plus qu’à cultiver son riz, qu’à planter son tabac ou son indigo, surveiller la maturité de ses cannes à sucre, s’incliner devant les Brâhmes, vénérer les castes supérieures : le nouveau maître lui permettait d’accomplir ses pratiques religieuses de chaque jour, il respectait les privilèges et les coutumes que lui avaient transmis ses pères : que lui importait le nom de ce maître ?

Dumas et Dupleix, ces fondateurs illustres de notre puissance , hélas ! si éphémère dans l'Inde, devinèrent vite, avec leur sens politique, combien ces sentiments étaient vivaces, et profondément enracinés dans le cœur des popu-

  1. Shaw Parshad,Thougts of a native.