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lexandre sur les rives de l’Indus, malgré les récits plus modernes des Bernier et des Marco Polo, ils comprirent quelles étaient la puissance et la vitalité des mœurs et des usages du peuple Indou ; éclairés par l’exemple que leur avaient donné les envahisseurs Musulmans, ils sentirent que, se heurter aveuglément et de parti pris à ces préjugés immuables, sous l’empire desquels, depuis trois mille ans , vivaient et mouraient les générations, c’était signer leur arrêt de mort ; promettre, au contraire, d’une manière solennelle, le maintien de ces mœurs, de ces coutumes, de cette distinction des castes, édictées par l’Être suprême lui-même, qui les avait révélées au législateur, c’était acquérir, sans crainte de résistances sérieuses, la possession éternelle de la terre de la soie et des diamants. — En faisant cette promesse, les nouveaux conquérants accomplissaient un acte de sage et habile politique, en même temps que de souveraine équité. Manou lui-même, le grand législateur de l’Inde, leur en avait donné l’exemple : « Que le roi, dit-il, qui a fait une conquête nouvelle, fasse respecter les lois de la nation conquise , comme elles ont été promulguées. »

Toujours soumise, dès qu’elle a été connue, à une puissance étrangère, subjuguée d’abord par Cyrus, enlevée aux Persans par Alexandre, aux successeurs d’Alexandre par les Parthes, aux Parthes par les Tartares, aux Tartares par les Mahométans, aux Mahométans par les Chrétiens, l’Inde a été de tout temps une proie facile pour les envahisseurs : qu’importait le nom du maître à cette société, décrépite déjà lorsque l’épée d’Alexandre vint soulever pour l’Europe un coin du voile de l’antique Orient, — à ce peuple sans annales, sans idée de patriotisme, se mouvant , sans penser à le franchir, dans le cercle immuable tracé par la main divine ? Pourquoi agir, pourquoi lutter, pourquoi changer ce que