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Dans l’ombre il vit errer des yeux fulgurants, inspirant l’épouvante, sautant toujours sur lui, haletants, des yeux d’horreur qui le regardaient sans cesse.

Il les vit et ne trembla pas : il porta la main à son épée et, intrépide, se rua sur l’ombre : il ne trouva ni ombre, ni rien ; il ne vit que les yeux fixés sur lui.

Impatient, il leva les siens vers le ciel, grinça des dents et blasphéma ; l’infernal désir croissant en lui, il dit sur un ton de dépit :

« Continuez, madame, allons en avant : tant mieux si vous êtes le diable lui-même ; Dieu, le diable et moi, faisons connaissance, et que cette confusion prenne fin une fois pour toutes.

« Pardieu ! je jure que je suis las d’un si long sermon, d’une si longue comédie ; rien n’ébranle ma ferme volonté, sachez enfin, qu’où vous irez, j’irai.

« La vie n’a qu’un but, un but fixe ; l’âme n’a qu’un terme : maintenant en avant. » Il dit, puis marche derrière elle avec un calme plein de décision.

Et la dame s’arrêta à une porte : et c’était une porte très haute dont les battants s’ouvrirent aussitôt qu’elle frappa, obéissant à une mystérieuse poussée ; l’étudiant entra derrière la dame ; ni pages ni servantes n’accoururent ; à la lumière de bougies fantastiques, ils parcourent des galeries désertes.

Avec un charme trompeur, la vision glisse sans bruit sur les dalles, toute cachée sous la blanche mante dont les plis balaient le sol ; cependant elle poursuit sa route dans le long corridor, et Montemar la suit, Montemar plein de hardiesse, dont la témérité frise la folie, mais résolu à mener à bout son aventure.