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Il tâtonne autour de lui et jure, l’impie ; puis il reprend sa marche téméraire, lorsque soudain, une figure fatidique s’avance vers lui, enveloppée de voiles blancs.

Flottante et vague, elle dissipe les brumes épaisses, s’anime, grandit d’une lumière douteuse et, dans les ténèbres, sa blancheur argentine apparaît.

Comme un point brillant, astre de pure lumière sans tache, elle perce le sombre horizon et brille au loin dans l’ombre.

Les yeux fixés sur elle, Montemar la regarde avec plus d’étonnement que de crainte ; il la prend peut-être pour une étoile vagabonde qui tourne dans l’espace des cieux,

ou bien pour un mensonge de ses propres yeux, pour une vaine forme créée par son illusion, ou bien pour une ridicule fantaisie du vin qui lui a enfin troublé la tête.

Mais jamais les fumées du nectar de Jerez n’auraient suffi à bouleverser son esprit, car c’est en vain que mille fois il a essayé de s’enivrer en de frénétiques orgies.

« Dieu pense me faire peur : que n’est-ce, se dit-il en riant, le diable lui-même ! aussi bien, vive Dieu ! saurait-il qui je suis, le monarque cornu de l’Abîme ! »

Comme il prononçait un blasphème si insolent, la lampe du Christ se ralluma et il vit une femme voilée de blanc, agenouillée devant l’image.

« Bienvenue soit la lumière, dit l’impie, j’en rends grâces à Dieu ou au diable », et avec une résolution audacieuse et ferme, avec un courage téméraire, il se dirige vers la femme voilée.

Pendant qu’il marche, la lumière, l’image, la dame dévote semblent s’éloigner, mais s’il s’arrête, rien ne bouge plus et l’image laisse tomber larme sur larme