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gnement de l’Eglise. Pourquoi le bon public se serait-il indigné contre des doctrines que couvraient tant d’autorités imposantes, celles de Bossuet, de Bourdaloue et de Fénelon ; au delà, celle des Pères, celle des apôtres ; enfin plus au delà encore, celle des sages et (on le croyait) celle des Républiques de l’antiquité[1]

À partir de 1748, l’image d’une cité fondée sur l’égalité des biens et des rangs est tellement familière à la majorité des esprits cultivés qu’on s’occupe, de lui donner une constitution et des lois. Montesquieu, qui déjà l’avait célébrée dans les Lettres persanes, décrit dans l’Esprit des lois ses institutions fondamentales ; ce sont celles du Paraguay et des cités antiques la « vertu » ou « la probité » ou « l’amour de la patrie, c’est-à-dire l’amour de l’égalité » est son ressort essentiel. « Ceux qui voudront faire des institutions pareilles, dit Montesquieu, établiront la communauté des biens de la république de Platon… cette séparation d’avec les étrangers pour la conservation des mœurs, et la cité faisant le commerce et

  1. Ces exemples d’indifférence ou même de sympathie pour des idées périlleuses qu’une autorité ancienne semble consacrer, sont de tous les temps. Récemment, à Paris, dans une réunion de la belle et excellente œuvre, la Ligue des Enfants de France, le prédicateur laïque, M. Paul Desjardins, soutenait ces propositions graves : que toute joie et toute souffrance doivent être méritées par quelque vertu ou quelque indignité personnelles, que la Providence en permettant « l’énorme et intolérable injustice des conditions », manque à tous ses devoirs, mais que les enfants de la Ligue, en donnant aux enfants qui souffrent sans avoir péché, de l’argent qu’ils n’ont point gagné non plus eux-mêmes ( « Vos épargnes, votre instruction, vos loisirs, tout cela vous a été donné par faveur vous avez reçu tout cela en même temps que votre layette, sans l’avoir mérité » ), que ces enfants sont certainement les délégués de la Providence, désireuse de rétablir « l’ordre » et « l’équilibre », que c’est pour cela qu’ils sont égalitaires, qu’ils n’ont point « le sentiment des supériorités et des infériorités » (ce sentiment est donc coupable ?) et qu’ils n’ont pas les mains propriétaires (la propriété est donc un vice ?) ; que tout mal social est imputable à quelqu’un, que les coupables, « c’est nous tous, et avec nous nos eïux, » et que par conséquent la société est res-