dans les imaginations grâce aux œuvres de Vairasse (les Sévarambes), de Foë (Robinson Crusoé), de Terrasson (Séthos). La Basitiade de Morelly, suivie bientôt du Code de la nature, nous montre chez le même auteur la conception communiste d’abord à l’état esthétique, puis tendant à se transformer en une conception pratique. Le théâtre exalte les joies et la pureté de la vie sauvage. En même temps la vénération universelle pour l’antiquité fait de la cité spartiate un modèle réalisable, au moins en partie, chez les peuples modernes. Enfin les esprits imbus de philosophie cartésienne et platonicienne voient dans l’état de nature un état dérivé de l’essence des choses et conforme à l’éternelle raison : en sorte qu’il dépend de nous de nous en rapprocher, et que la perfection des lois, l’établissement de la liberté et de l’égalité paraissent de plus en plus l’œuvre d’un avenir lointain peut-être, mais accessible.
Ainsi ce rêve rétrospectif d’une société égalitaire, en même temps qu’il devient un idéal placé dans l’avenir et qu’il revêt des formes plus concrètes par son assimilation aux sociétés antiques et aux sociétés sauvages, se laïcise rapidement. La conception cesse d’être théologique pour relever de la raison et de la philosophie. Mais si les philosophes oublient son origine religieuse, si les incrédules la prônent, elle ne cesse pas d’être en crédit auprès des chrétiens. C’est ce qui explique que les ouvrages favorables à l’abolition de la propriété n’aient pas été condamnés et qu’ils n’aient causé quelque scandale, comme ce fut le cas des ouvrages de Meslier et de Raynal, que quand ils étaient d’ailleurs ouvertement antireligieux. Les écrits s, supprimés ou brûlés étaient surtout jugés au point de vue’de l’orthodoxie. C’était celui de la Sorbonne. Or la théorie de l’égalité, bien qu’acceptée par les philosophes, n’avait pas, nous l’avons vu, cessé d’être conforme à l’ensei-