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appartient pas. Mais peut-être y a-t-il quelque indication à tirer, sur son issue possible, des cinq observations que nous avons relatées très sommairement. Cinq cas ne suffisent pas pour établir une loi, nous le savons. D’ailleurs l’histoire ne se répète pas absolument ; elle est une création incessante de types qui apportent leur loi avec eux en venant au monde, du moins leur loi spéciale avec leur structure propre. Mais il n’y aurait pas de science sociale, si ces espèces et ces lois particulières ne se rattachaient à des formes et à des successions plus générales, et si aucune prévision n’en pouvait être tirée.

En ce qui concerne le passé, nous savons que le socialisme, jusqu’en 1848, a toujours consisté en un effort pour revenir à un état social qui serait un état de nature, c’està-dire un état parfait, ou une forme médiévale à jamais disparue. C’est là l’essence de l’utopie. Elle applique à une période de l’évolution sociale des pratiques et des institutions qui conviennent à une période antérieure. Or, ce procédé serait opportun si l’humanité était, comme on l’a cru jusqu’au xviiie siècle, comme le croyaient encore nos pères, soumise à la loi des ricorsi, si elle tournait dans un cercle à partir d’un état de perfection. Nous ne le croyons plus. Et nous échappons ainsi à cette très dangereuse erreur de croire que l’état présent est nécessairement pire que ceux qui l’ont précédé. Admettons que la théorie de l’évolution soit encore très incomplète ; elle l’est comme la science même, en qui elle s’est incorporée. Du moins nous savons que l’organisation sociale est toujours allée en se compliquant et s’intégrant dans son ensemble, et nous ne pouvons plus regarder les formes actuelles de l’industrie et de la vie sociale en général comme des monstruosités, comme des phénomènes contre nature. Les grandes agglomérations humaines, les grands ateliers et les grands magasins sont aussi naturels que les cités lacustres, les