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du crédit tendent à reconstruire avec plus de variété et de souplesse les unités collectives de l’antiquité et du moyenâge disparues à jamais. Dans une région de rapports abstraits ou du moins purement conceptuels, au-dessus de la terre maintenant impartageable, se développent des biens communs dont la répartition est beaucoup plus facile, plus abondante et plus juste que celle des produits des champs sur le sol de l’abbaye ou du château. La riche bourgeoisie, le peuple foisonnant « des belles villes bien fournies[1] », dans les Flandres, en Hollande, en Angleterre et en Allemagne, sont les produits de ce régime d’association spontanée des propriétés et des forces individuelles, alors à peine à son début.

C’est précisément parce que la condition des hommes entraînés dans ce progrès économique, se modifia en peu de temps de la manière la plus heureuse, que quelquesuns conçurent la pensée de la changer de fond en comble. Pour arriver à l’unité et à l’égalité, la voie lente et sinueuse des perfectionnements techniques en fait d’industrie, de commerce, de finances et d’administration ne put suffire à des esprits impatients et imaginatifs ; ils prirent ou rêvèrent de prendre la voie la plus courte, et rencontrant le roman platonicien de la cité parfaite, ils l’adaptèrent à leurs désirs. Les humanistes qui renouvelèrent ainsi le communisme platonicien et évangélique, étaient ceux qui profitaient le plus des changements réalisés. Ils étaient une élite. Leur savoir faisait d’eux, qui n’auraient pas eu de place dans la société antérieure, les instruments de prédilection des princes. Leur culture les mettait en commerce avec l’antiquité, toute pleine de lieux communs sur la valeur égale de tous les sages dans la cité de Jupiter. « Sensibles », prompts à la sympathie comme des hommes

  1. Montaigne, Voyage en Allemagne.