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plus en plus large de leurs bénéfices à l’établissement des œuvres de secours les plus variées. L’impôt a frappé des formes de revenu exemptes auparavant de toute charge. Des lois ont été votées qui invitent en quelque sorte les travailleurs à s’unir pour la défense de leurs intérêts, et tendent à protéger la femme et l’enfant contre l’emploi prématuré ou excessif de leurs forces dans l’industrie. Dans aucun pays d’Europe, il n’a été autant fait peut-être que dans le pays qui a donné l’un des premiers l’exemple du suffrage universel et de l’instruction gratuite, pour diminuer les inégalités de toutes sortes, parce que c’était pour notre démocratie une condition d’existence et que la coopération volontaire de tous au relèvement national était à ce prix. Loin donc qu’il y ait pour nous incompatibilité entre l’amour de la justice universelle et le dévouement à nos institutions, ces deux sentiments se corroboraient dans l’heureux équilibre de nos tendances pratiques.

Faire dériver le droit et le devoir de la conscience collective nationale, se sentir porté pour ainsi dire dans cette conscience vers sa destinée individuelle, trouver par elle à son activité un but et un sens, reconnaître qu’on lui doit tout ce qui donne du prix à la vie, sécurité, dignité, participation aux jouissances intellectuelles et esthétiques, à tous les fruits du travail humain, comprendre par elle sa solidarité avec tous ses concitoyens en dépit des divergences d’opinion et d’intérêt, qu’est-ce que cela, Messieurs, sinon une forme élevée du socialisme, un socialisme qu’on peut appeler organique puisqu’il repose sur le sentiment des harmonies qui unissent les hommes d’un groupe naturel les uns aux autres, et tous à l’unité vivante dont ils sont chacun personnellement les organes nécessaires ? Car ne croyez pas que cette doctrine nous engageât à répudier les traditions du libéralisme natio-