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de la Constitution de 1793, tandis que le président, soutenu par les accusateurs, employait tous les moyens pour écarter ces discussions générales.

Nous n’avons pas conspiré, disaient Babeuf et Buonarroti ; nous avons créé un cercle d’études, tout au plus un bureau de correspondance politique, un centre de propagande destiné à rendre au peuple la conscience de ses droits et à lui inspirer le désir de changer la Constitution. Cela, nous pouvions le faire légitimement puisque le peuple est souverain et que tout citoyen ne peut exercer que sous cette forme sa part de souveraineté. Eussions-nous conspiré, nous l’aurions fait de plein droit, en vertu de la loi supérieure à toute loi positive, qui remet à l’individu le soin de décider si le gouvernement établi viole ou non le pacte social[1]. Sur ce point l’accusation chancelait ; elle ne pouvait condamner le droit à l’insurrection qu’en condamnant la révolution elle-même, en soutenant que l’insurrection était légitime quand elle comprenait l’universalité des citoyens, mais qu’elle devenait criminelle quand une fraction seulement du peuple attaquait le gouvernement établi, à quoi les conjurés répliquaient victorieusement : Mais tout le peuple Français n’était pas là au 14 juillet et au 10 août ! Condamnerez-vous ces journées mémorables ? Sur ce terrain, ayant surtout en face d’eux d’anciens conventionnels et derrière eux un gouvernement dont la base électorale était fort restreinte, les juges de la Haute cour se débattaient dans des contradictions sans issue. Et leur trouble tournait à la défaite quand, s’en prenant à Robespierre et à la Terreur, ils provoquaient la réponse devenue classique : « Vous rappelez toujours les mesures de 1793, s’écriait Buonarroti ; mais vous passez sous silence ce qui précéda la malheureuse nécessité qui les fit employer.

  1. Défense, p. 118.