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pouvaient se faire à l’idée qu’un mouvement insurrectionnel en faveur de la constitution votée par les conventionnels de la grande époque pût être considéré comme un crime. Leur étonnement quand ils entendirent les premières remarques des accusateurs, Vieillart et Bailly, qui partaient du point de vue opposé, n’était pas entièrement feint. Et en effet, ce sentiment était partagé encore par une partie du public qui sur tous les points du territoire suivait avec passion les débats. Il était leur meilleure sauvegarde. Si le procès eût pris la tournure philosophique et politique qu’ils voulaient, lui donner, ils pouvaient n’être condamnés qu’à la déportation et telle eût sans doute été l’issue de l’affaire après Germinal de l’an III devant la Convention, alors que Babeuf écrivait à Fauché : « Il parait que les dominateurs d’aujourd’hui, ayant mis l’humanité à l’ordre du jour, ont résolu de ne plus donner la mort. Ils ont arrêté de prononcer la déportation contre ceux qu’ils regardent comme les plus grands criminels. Qu’est-ce que la déportation ? C’est l’exil, c’est une proscription honorable, c’est la peine que les tyrans de la République romaine infligeaient aux plus chauds défenseurs de la liberté ; mais l’exil n’anéantit pas pour toujours. Le temps change les événements ; on revient d’un exil et l’on en revient glorieux et triomphant. Nous, avons les exemples de Cicéron et de Paul Emile. » Malheureusement pour Babeuf, depuis la loi du 25 germinal de l’an IV, la peine de mort avait été remise en vigueur pour les crimes politiques et d’ailleurs les dispositions des esprits avaient changé. S’il restait cependant un espoir, c’était de ce côté, et la suite des événements le prouva. Aussi les accusés firent-ils les plus grands efforts pour introduire dans les débats l’apologie de leurs prédécesseurs de Prairial et celle de leurs propres principes politiques, c’est dire la critique de la Constitution de l’an III et l’éloge