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ces listes n’avaient pas été saisies. En dépit de la surveillance, les accusés parvinrent à s’en faire communiquer un extrait détaillé concernant chacun des hauts jurés. Un biographe de Babeuf (M. Advielle) nous donne cette pièce curieuse. Les républicains étaient de beaucoup les plus nombreux. L’un d’eux, Gauthier Biauzat, de Clermont-Ferrand, avait épousé la sœur de Couthon ; plusieurs figuraient « sur la liste des bons. » Ce pointage inspira de l’espoir aux accusés. On les vit souvent, au cours du procès, se tourner vers les hauts jurés et en appeler à leur justice contre les sévérités du président et les paroles passionnées du ministère public. Mais on pouvait être républicain et ne pas croire Babeuf innocent.

Les accusés essayèrent d’abord de décliner la compétence du tribunal, en alléguant cette raison qu’ils eussent dû être traduits, malgré la présence de Drouet parmi les contumaces, devant la juridiction ordinaire. Ils refusèrent de répondre aux questions du président tendant à constater leur identité. Mais cette attitude leur eût interdit de se livrer aux manifestations de diverses sortes qu’ils avaient projetées. Ils n’y persistèrent pas. Seul Darthé maintint jusqu’au bout son système de protestation.

Les débats se déroulèrent alors avec ampleur. Il est impossible de soutenir que les accusés n’ont pas eu toute latitude pour développer leurs moyens de défense. L’accusation fut poussée à fond contre ceux sur lesquels pesaient des charges saisissables, mais les accusateurs surent reconnaître qu’il n’y avait rien à reprocher à quelquesuns et le plus grand soin fut apporté soit à la vérification des pièces par les intéressés, soit à leur examen, soit à la constatation de toutes les circonstances qui établissaient la part de chacun dans la conspiration : enfin accusés et défenseurs, non seulement eurent la parole autant que cela était nécessaire à la manifestation de la vérité, mais