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régiments ( ? ) de cavalerie. Les femmes, filles et sœurs des accusés qui les suivirent à pied essuyèrent fréquemment les rigueurs de l’atmosphère et les sarcasmes des aristocrates… Ils eurent eux-mêmes autant à souffrir de la brutalité de l’officier qui commandait leur escorte qu’ils eurent à se louer de l’accueil plein d’égards qu’ils reçurent des administrations municipales de Chartres et de Chateaudun[1]. » Tel est le tableau de ce triste voyage, peut-être un peu arrangé, par Buonarroti. Un billet de Babeuf[2] nous apprend que sa femme n’est pas restée en vue de la voiture qui emportait le malheureux tribun et que lui-même, ni par conséquent les autres n’ont autant souffert qu’on pourrait le croire de l’étrange mode de transport qu’ils subissaient. « Comment êtes-vous venus, mes bons amis à pied sans doute et vous devez être bien fatigués n’en êtes-vous pas malades ?… Qu’avez-vous pu faire de mon Camille ? Pauvre cher enfant ! il n’y a donc que lui qui n’a pu suivre son tendre père ?… Nous avons été passablement pendant la route. Nous n’avons couché qu’une seule nuit en route, à Rambouillet. Nous n’avons rien dépensé du nôtre et nous avons été partout bien traités. Nous le sommes également ici. » Sa femme était, comme on le pense, dans une absolue détresse. Quel supplice pour elle que ce procès de huit mois ![3]

Le 28 thermidor au soir, un architecte était venu de Paris pour aménager en vue du procès les vastes bâtiments de l’abbaye de la Trinité. On pourvut d’abord à l’installation par groupes dans ces mêmes bâtiments de

  1. Tome II, p. 12. Ils arrivèrent le soir du 13 fructidor.
  2. Publié par M. Advielle, t. I, p. 228. Buonarroti est un historien attentif et fidèle mais il a un grand souci de l’effet et nous ne devons jamais oublier qu’il est artiste.
  3. Vers la fin d’octobre seulement elle fut autorisée à visiter son mari de deux jours l’un avec ses enfants, au guichet de la prison, en présence du concierge et de deux gardiens. Elle l’avait déjà visité ainsi bien des fois.