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le monde civilisé, une conscience plus vaste, une patrie universelle dont tous les hommes de bonne volonté sont, en idée, les citoyens, et que la morale de l’absolu exprime cette conscience au point de vue pratique, qu’elle en soit le symbole et l’annonce, je le veux, pourvu qu’il soit entendu que dans la mesure où elle existe, cette conscience sociale universelle exige encore des sacrifices et que les règles qui la fondent consistent en bien autre chose qu’en cette justice négative, en cette justice de combat, dans laquelle on enferme toute morale et toute politique. Et je suis prêt à reconnaître que cet idéal descend d’époque en époque dans les consciences nationales pour y élargir, pour y humaniser le droit positif et y faire fleurir, avec la justice, la douceur et la pitié. Plus la lutte pour l’existence est vive dans le domaine de la production entre les individus et dans les relations de toutes sortes entre les nations, plus le besoin se fait sentir d’un droit vraiment humain qui la limite et en atténue la rigueur. Mais prenons garde aux visites de l’esprit universel ! Si la marche de l’humanité est faite de ces expansions indéfinies des consciences nationales, suivies d’ailleurs presque toujours de contractions égoïstes énergiques, qui s’appellent la dictature et la guerre, il est rare qu’elles ne mettent pas en péril l’organisme social concret où elles se produisent. Ces crises sont supportées par les peuples en voie de croissance et qui ont à faire ou à parfaire leur unité. Au fond, cet étalage de sentiments fraternels n’a souvent pas d’autre but. Chez eux chaque nouvel accès d’amour de l’humanité finit par quelque conquête. La fête de la Fédération est le prélude des annexions ultérieures auxquelles nos pères, ivres alors de philosophie, ne pensaient guère. Et plus tard l’Empire allemand devra beaucoup à l’idéalisme de Fichte. Chez d’autres, de constitution moins robuste, ou