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complicité avec les Babouvistes, après comme avant l’arrestation de Babeuf, un témoignage désintéressé, celui de Buonarroti, qui écrivait en 1828 : « Quand on voulut sauver Babeuf, avant son départ de Paris, deux amis du Directeur Barras s’introduisirent auprès d’eux (les conjurés qui avaient échappé à l’arrestation), et leur persuadèrent que celui-ci partageait leurs vœux et désirait seconder efficacement leurs efforts. Ce fut (aussi) par leurs conseils qu’on forma le projet de faire fraterniser les démocrates et les militaires du camp de Grenelle avec lesquels ils se seraient portés ensuite sur le Directoire exécutif pour opérer les changements désirés. Les promesses faites au nom de Barras par ses amis, une somme d’environ 24, 000 francs par eux distribuée et les protestations de quelques officiers du camp, déterminaient en effet les démocrates à s’y présenter en foule, sans armes, au cri de vive la République ! et en chantant des hymnes patriotiques au lieu de la fraternité qu’on leur avait promise, ils trouvèrent la mort. Qui tendit ces pièges ?[1] » Il n’y avait pas de pièges. Barras conspirait « sincèrement, » quoique prudemment et il n’eût pas été fâché de restaurer en effet le gouvernement révolutionnaire à son profit, par la main et aux risques des Babouvistes.

Il était donc nécessaire d’installer la Haute cour hors de Paris. Arrêtés le 10 mai 1796, les accusés détenus au Temple durent partir pour Vendôme dans la nuit du 26 au 27 août (9 au 10 fructidor an IV). L’opération fut encore confiée à l’armée : « L’état-major de la place les fit fouiller minutieusement sous ses yeux et les déposa lui-même dans des cages grillées… Le convoi traversa Paris au milieu d’une nombreuse armée et fut escorté dans toute la route par un fort détachement de gendarmerie et par des

  1. Tome I, p. 192.