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Emile est l’élève d’un philosophe et non de ses parents. Ensuite c’est pour Rousseau un pis aller que l’éducation dans la famille. « L’éducation publique n’existe plus et ne peut plus exister, parce qu’où il n’y a plus de patrie, il ne peut plus y avoir de citoyens. Ces deux mots patrie et citoyen doivent être effacés des langues modernes. » L’institution de Platon et celle de Lycurgue restent pour Rousseau les seuls modèles parfaits[1], et il eut été heureux d’y revenir s’il avait cru possible de restaurer les républiques antiques. Maintenant, pense Buonarroti, la Révolution ayant ramené la constitution de la France aux principes du droit naturel qui sont ceux des législateurs de Sparte, il lui appartient de faire refleurir le type d’éducation réalisé par eux. Les projets de Rabaut-Saint-Etienne et de Michel Le Peletier, repris par Robespierre, vont à ce but. « Michel Le Peletier, qui eut la gloire de sceller de son sang la République naissante, eut aussi celle d’imaginer le premier depuis la révolution, un plan d’éducation nationale, commune et égale. Ce plan, monument éternel de la vertu de son auteur, devait cependant se concilier avec toutes les misères qui découlent en foule de la propriété individuelle, véritable boîte de Pandore, et dès lors il dut renfermer des ménagements qui en restreignent considérablement les avantages[2]. » Dans la République des Egaux où la propriété sera abolie, l’éducation doit être tout entière l’œuvre de l’Etat et rigoureusement commune et égale pour tous. « Il est-essentiel que les jeunes gens s’accoutument de bonne heure à ne voir dans tous leurs concitoyens que des frères, à confondre leurs plaisirs et leurs sentiments avec ceux des autres, et à ne trouver de bonheur que dans celui de leurs sem-

  1. Emile, commencement du livre I.
  2. Buonarroti, t. I, p. 280.