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Elle n’aurait pas eu, plus que la France impériale, une presse libre. Ceux qui réclamaient depuis deux ans avec violence la liberté absolue du journal et du livre se sentaient un peu gênés pour déclarer qu’ils n’auraient accordé ni l’une ni l’autre s’ils eussent été les maîtres, que dans la République des Egaux les journaux seraient exclusivement les organes de la théorie officielle du Bonheur, et que les ouvrages où la révélation serait admise se verraient refuser l’impression[1]. Mais ils étaient pris dans l’engrenage du système et ne pouvaient méconnaître que la liberté de l’imprimerie est un non-sens dans un État où toutes les industries dépendent de l’administration publique. Une industrie d’État et une science d’État sont deux choses inséparables.

Des lois somptuaires eussent interdit la fabrication et l’usage de tout objet, meuble, vêtement, ornement qui eût dépassé les besoins essentiels et eût servi à autre chose qu’à favoriser « la salubrité et le développement des organes. » La prétendue élégance des meubles et des habillements eût fait place « à une rustique simplicité. L’ordre et la propreté sont des besoins de l’esprit et du corps, mais il importe que le principe de l’égalité auquel tout doit céder fasse disparaître la pompe et la délicatesse qui flattent la sotte vanité des esclaves. » « Il est à présumer que, tout cédant à la loi suprême de l’égalité, la somptuosité des châteaux eût fait place à la salubrité, à la commodité et à la propreté de toutes les habitations, disposées avec une élégante symétrie pour l’agrément des yeux et pour le maintien de l’ordre public. » L’égalité

  1. « Nul ne peut émettre dès opinions contraires aux principes sacrés de l’égalité et de la souveraineté du peuple. » — « Tout écrit est imprimé et distribué si les conservateurs de la volonté nationale jugent que sa publication peut être utile à la République. » — « Aucun écrit touchant une révélation quelconque ne peut être publié. » Buosiarroti, t. I, pages 291 et 292.