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sir (voici venir le travail attrayant de Fourier), et par l’approbation de l’opinion publique[1]. » Et comme « l’ensemble des fonctions se compose de toute l’action nécessaire pour nourrir, habiller, loger, élever, éclairer, diriger et défendre le peuple, à proprement parler tout citoyen est ou a été fonctionnaire. » La suppression de la propriété privée entraîne comme conséquence le fonctionnarisme universel.

Fonctions des citoyens. — Quelles sont donc les diverses fonctions auxquelles les individus peuvent être appelés par la communauté pour le bonheur commun ? Elles sont de deux sortes : les fonctions économiques qui sont diverses selon les divers individus, et les fonctions politiques qui sont générales et les mêmes chez tous.

Fonctions économiques. — Les fonctions économiques se divisent en deux groupes selon qu’elles ont pour but la

  1. Buonarroti, t. I, p. 210 et 211. Tout le tableau de la société future est à la suite. — Sur le travail attrayant, cf. Lettre au citoyen M. V., par Babeuf. Buonarroti, vol. II, p. 223 : « Il est facile de faire entendre à tout le monde qu’une très courte occupation journalière assurerait à chacun une vie plus agréable et débarrassée des inquiétudes dont nous sommes continuellement minés ; et celui qui travaille aujourd’hui jusqu’à l’épuisement pour avoir fort peu, consentirait assurément à travailler peu pour avoir beaucoup. — Cette objection d’ailleurs repose entièrement sur l’idée douloureuse qu’on s est formée du travail qui, sagement et universellement distribué, deviendrait dans notre système une occupation douce et amusante, à laquelle on n’aurait ni envie, ni intérêt de se soustraire. » Buonarrott présente une argumentation analogue, t. I, p. 298 : « L’homme bien constitué a besoin de mouvement et pour dissiper l’ennui il recherche le travail auquel il ne répugne qu’autant que ce travail est excessif et qu’il en porte exclusivement le fardeau. Ni l’un ni l’autre de ces cas n’a lieu dans la communauté, où, tous travaillant, la tâche de chacun est la plus douce possible. » Pendant tout le xviiie siècle on a cru que le citoyen libre ferait de bon cœur, en chantant, par un don volontaire et joyeux, tout ce qu’exigerait’de lui l’intérêt public, depuis le travail agricole jusqu’au paiement de l’impôt et au service militaire. On a proposé en 1796 une sortie en masse de volontaires parisiens pour la réparation des routes.